Rendre l’ordinaire extraordinaire avec le focus stacking
Vous pensez tout savoir de la mise au point ? Initiez-vous au focus stacking, soit l’art de créer des plans rapprochés remplis de détails complexes qu’un zoom standard ne peut immortaliser
Le focus stacking est une technique qui produit des plans rapprochés dotés d’un niveau de détail et de profondeur supérieur aux plans rapprochés traditionnels. Si vous ne connaissez pas cette technique, vous vous demandez sûrement : à quoi ça sert ? Pourquoi ne pas régler l’objectif sur f/11, f/16 ou f/22 pour obtenir la profondeur de champ dont vous avez besoin ?
C’est une bonne question, à laquelle il est facile de répondre : le focus stacking permet d’obtenir le type de photos inoubliables que vous voyez ici. Pour les créer, le photographe d’art primé David Leaser a pris plusieurs images de ses sujets floraux avec différents points AF. Ensuite, il a superposé les différentes photographies à l’aide d’un logiciel pour créer une image composite d’une netteté et d’une précision stupéfiantes. Le focus stacking permet donc d’étendre la profondeur de champ en macrophotographie en superposant plusieurs photographies avec différents points AF dans une même image.
Dans ce tutoriel, David vous aidera à vous familiariser avec les équipements et les techniques dont vous avez besoin pour devenir un pro du focus stacking.
Essais, erreurs et résultats
Il y a plus de dix ans, David travaillait sur une série en Amazonie, lorsqu’il s’est pris de passion pour les plus petits habitants de la forêt tropicale, notamment ses plus petites fleurs.
Il s’est vite rendu compte que même les meilleurs objectifs macro ne pouvaient atteindre le niveau de détail ou la profondeur de champ qu’il recherchait. Il a commencé à expérimenter avec le focus stacking (soit l’empilement des mises au point) dans l’espoir de retranscrire et de montrer « la nature du point de vue de l’abeille »
Il a d’abord placé son Nikon D3X de l’époque associé à un objectif Nikon AF-S Micro NIKKOR 60mm f/2.8G ED sur un rail motorisé. Ce dispositif rapprochait l’appareil photo et l’objectif du sujet à des intervalles prédéfinis, en prenant plusieurs photos à chaque fois, avec un point AF différent sur chaque image.
Dans ce reportage, David utilise son Nikon D850 et le décalage de mise au point intégré, qui signifie que l’appareil photo lui-même reste parfaitement immobile, mais vous pouvez bien sûr utiliser un appareil photo hybride Z.
Les appareils photo hybrides Nikon Z 6, Z 7, Z 7II, ainsi que les Z 8 et Z 9, sont dotés de la fonction de prise de vue avec décalage de mise au point, une fonction du menu qui vous permet de définir des conditions pour une série d’images à superposer dans le logiciel de retouche.
Par rapport à l’ancien système à rail de David, l’utilisation du D850 ou d’un appareil photo hybride permet de réduire le nombre de pièces mobiles, de réglages à modifier manuellement et d’équipements à transporter lors des prises de vue en extérieur. De plus, l’absence de rail signifie qu’il n’est pas nécessaire d’emporter d’alimentation électrique ou d’accumulateurs supplémentaires.
En fait, même les résultats sont meilleurs. Le fait de faire pivoter l’objectif au lieu de déplacer l’appareil photo permet de réduire (ou d’éliminer) un problème majeur qu’il faut généralement résoudre dans le logiciel de stacking : la parallaxe. Ce phénomène désigne les situations où ce que vous voyez dans le viseur est très différent de ce que votre appareil photographie. Plus on se rapproche du sujet, plus l’effet est prononcé.
Le D850 prend toutes les photos à superposer dans l’image finale de manière quasi automatique, mais le processus ne se limite pas à une technologie intelligente. Il faut installer l’équipement, régler les paramètres et prendre des photos d’essai. Selon David, c’est là qu’intervient la véritable créativité.
Si vous souhaitez faire vos propres mises au point ou simplifier votre processus avec rail, suivez le guide de David, étape par étape, pour une mise au point sans effort…
Configuration
David utilise un objectif AF-S Micro NIKKOR 60mm f/2.8G ED sur son D850. Il faut également un trépied robuste (un Manfrotto 3251), un petit éclairage DEL à pince, un arrière-plan (il a utilisé du velours noir pour les photos de cet article) et un logiciel de stacking (David aime Zerene Stacker).
Enfin, il y a son arme secrète. Regardez les photos de cet article : vous constaterez que le facteur le plus important est la lumière. Ou plutôt, le contrôle de l’éclairage.
Le système de flash sans fil de Nikon est conçu pour les gros plans et vous permet de contrôler totalement votre éclairage. Il existe deux versions : le R1 (deux flashes SB-R200, une bague de montage et une sélection d’adaptateurs d’objectifs accompagnant la bague) et le R1C1 (deux flashes SB-R200, un contrôleur SU-800, une bague de montage et des adaptateurs d’objectifs).
Vous pouvez ajouter des flashes SB-R200 supplémentaires, comme David l’a fait ici : il travaille habituellement avec cinq flashes SBR200. « Le nombre de flashes que j’utilise dépend de la taille du sujet et de sa proximité par rapport à l’objectif », explique-t-il. « Je veux que la lumière atteigne mon sujet sous tous les angles. S’il est très proche de l’objectif, je dois veiller à ce que la lumière atteigne le dessous de mon sujet. »
Configuration
Toute configuration est effectuée dans l’appareil photo lui-même. Basculer vers le focus stacking est plutôt instinctif, mais consulter votre manuel d’appareil photo est toujours utile.
Commencez par vous rendre dans le menu de prise de vue avec décalage de mise au point de l’appareil photo. À partir de là, vous pouvez régler des paramètres tels que la largeur du décalage de la mise au point, le nombre de prises de vue et l’intervalle entre les prises de vue.
La « largeur du décalage de la mise au point » contrôle la distance de déplacement des parties de l’objectif vers le sujet. Dans ces exemples, David a choisi de régler la valeur sur 3.
Ensuite, vous devez choisir le nombre de photos que vous souhaitez pour votre composition. David en utilise généralement entre 50 et 125, selon la taille et de la profondeur du sujet.
Le paramètre « Intervalle entre chaque prise » détermine le temps écoulé entre les prises de vue, ce qui est important, car, comme l’explique David, « les flashes se déclenchent très rapidement et il faut en tenir compte ». Il règle ce paramètre sur 00, soit le réglage par défaut pour cinq prises de vue par seconde.
Tous ces paramètres devront être ajustés en fonction de vos sujets, de leur taille et de l’objectif NIKKOR que vous utilisez.
Conseils et astuces
Au fil de sa carrière, David a rédigé sa propre liste de règles d’or. Prenez ces conseils comme un guide de référence qui vous permettront de maîtriser toutes les subtilités du focus stacking.
Préparez votre équipement
- Assurez-vous que l’accumulateur de votre appareil photo est complètement chargé : vous aurez besoin d’au moins 120 photos.
- Désactivez le mode VR, vous n’en avez pas besoin avec un trépied.
- Faites des essais jusqu’à identifier ce qui vous convient le mieux. Pour référence, les paramètres favoris de David pour le focus stacking sont 1/60 s, f/8 et 64 ISO.
Vérifiez vos paramètres
Rendez-vous dans le menu de prise de vue avec décalage de mise au point et assurez-vous que l’option « Mode silencieux » est désactivée : le flash ne fonctionnera pas si elle est activée.
David recommande d’activer la fonction « Lissage de l’exposition » dans le menu de prise de vue avec décalage de mise au point pour créer une exposition plus douce et plus homogène.
Les réglages de la mise au point sont essentiels. Le mode de décalage de mise au point du D850est réglé par défaut sur autofocus, mais avant d’activer ce mode, David définit manuellement le point focal de départ, ce qui est essentiel pour obtenir des résultats optimaux.
Expérimentez avec les accessoires
David a équipé son D850 d’un oculaire-loupe de visée pour l’aider à peaufiner les détails dans le viseur. « J’effectue également un zoom avant dans l’aperçu du moniteur afin d’obtenir une mise au point ultra nette », explique-t-il.
Les technologies de moniteurs sont aujourd’hui si avancées qu’un affichage avec couverture de 100 % permet d’obtenir une mise au point d’une précision exceptionnelle.
Limitez les mouvements
Cet aspect est particulièrement important si vous photographiez des plantes et des fleurs. L’air chaud qui monte dans une pièce, la climatisation qui se met en marche ou la brise qui passe par la fenêtre sont autant de facteurs qui suffisent à ébouriffer les pétales et les tiges délicates.
« Une session moyenne dure environ 15 minutes, et pendant tout ce temps, je réfléchis aux mouvements de l’air, à mes propres mouvements et au bougé de mon appareil photo », explique David. « Les fleurs sont des êtres vivants, et les êtres vivants bougent. N’oubliez pas qu’une fleur commence à se faner dès le moment où vous la cueillez. Je prends mes photos dans une chambre noire, car les fleurs se tournent vers la moindre lueur de lumière. »
Pour les habituer à l’obscurité, il transfère ses fleurs dans une chambre noire, une demi-journée ou une journée entière avant la prise de vue en fonction du type de fleur et de sa fragilité. L’expérience et les expérimentations vous aideront à comprendre la durée de vie des différentes fleurs.
Si vous vous retrouvez avec un peu de mouvement, ne vous inquiétez pas : c’est là que le logiciel de stacking entre en jeu. « C’est pourquoi je prends jusqu’à 150 photos, et parfois plus : je peux écarter les photos ratées et obtenir le résultat que je recherche », explique David.
Trouvez votre distance
En règle générale, quelle est la distance entre les sujets de David et l’avant de l’objectif ? « La distance peut être extrêmement réduite, quelques centimètres tout au plus, selon la taille de la fleur, mais toujours avec assez d’espace pour pouvoir les éclairer facilement au flash », explique-t-il.
Vous devrez expérimenter et accepter de commettre des erreurs. « Je prends des photos d’essai séparées pour déterminer la distance à laquelle l’objectif doit se trouver par rapport au sujet afin d’obtenir le meilleur éclairage », poursuit David. « L’éclairage est l’élément le plus important avec lequel il faut expérimenter. Une fois que j’ai l’éclairage que je recherche, je sais que la mise au point fonctionnera. L’éclairage est l’aspect le plus complexe du processus. »
Choisissez le lieu
L’endroit que vous choisissez pour votre projet fait toute la différence. L’idéal est de se trouver dans une pièce sombre et calme, comme le studio de David (à la Huntington Library, Art Museum, and Botanical Gardens de San Marino, en Californie), où il a pris les photos que vous voyez là. Prenez le temps d’obtenir des conditions optimales.
Entraînez-vous avant de vous lancer
La qualité du travail de David lui a permis d’entretenir une relation de longue date avec le Huntington, qui fournit désormais les plantes qu’il photographie. « Les jardins botaniques sont de bons clients », dit-il. « Le Huntington possède une douzaine de mes photographies dans sa collection permanente, dont une grande partie est exposée. C’est un domaine qui regorge d’opportunités pour les photographes qui maîtrisent cette technique. »
Son conseil est le suivant : « Achetez des fleurs au supermarché et exercez-vous à la maison jusqu’à obtenir des images de qualité. Ensuite, contactez des jardins botaniques. Beaucoup d’entre eux recherchent des professionnels capables de photographier leurs collections. C’est une porte d’entrée de premier choix. »
Enfin, voyez les choses en grand
Le focus stacking ne se limite pas aux plantes. Expérimentez avec des insectes, des pièces de monnaie, des cailloux, des bouts d’écorce, des bijoux, des coquillages, des formations rocheuses… tout ce qui présente une structure intrigante et une texture complexe. Rendez l’ordinaire extraordinaire et transformez votre quotidien.
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